Credit photos Henry Ausloos

16h. Parti ce matin de Koh Samui, j’arrive enfin à l’entrée de cette réserve du sud de la Thaïlande. Cela faisait deux ans que j’avais envie de venir visiter Tale Noi mais… repoussant sans cesse ma venue pour des raisons diverses et variées pour ne pas dire futiles ! Que ne ferait-on pas pour rester idiot !

Tale Noi est une réserve de 450 km2 dont 30 sont lacustres. La chasse y est interdite. Cette interdiction semble assez bien respectée et pour cause.. la réserve est plane et tout se voit et s’entend de loin ! C’est aussi la première réserve de Thaïlande a avoir signé la convention RAMSAR (Convention sur les zones humides dans le monde). En hiver, pour l’Europe, c’est la pleine saison de floraison des nénuphars roses.

Dès la chambre réservée, direction les locations de « longues-queues », seuls bateaux aptes et autorisés à naviguer dans les eaux peu profondes du lac (celles-ci varient de 20 cm à 1,20m sauf… à la saison des pluies !).

Heureusement que Sa, ma compagne thaï est avec moi car, non content que les particularités et les intonations de la langue du Siam n’ont aucun effet sur moi (même si je « connais » de nombreux mots), ma couleur de peau me classe définitivement dans les « farangs », ces blancs de l’Ouest ou « touristes » pour lesquels les prix et services ne sont pas les mêmes.

Petite anecdote pour comprendre que l’esprit thaï ne fonctionne pas comme nous. La première fois que Sa vit une sultane ses réactions furent dans l’ordre : « Oh, le bel oiseau bleu… » puis « Il y a à manger pour 2 personnes… ». Elle qui ne ferait pas de mal à un être vivant a pensé immédiatement à manger. Pour un Thaï tout ce qui bouge peut être consommé, c’est parfois une question de survie. Ce sont des gens qui mangent tout le temps et en quantités importantes. Donc, la difficulté d’instaurer une loi interdisant la chasse dans cette région ne fut pas une sinécure. Mais elle semble bien respectée… pour une fois !

OK, rendez-vous demain avant 6h du matin au mini-embarcadère…

En attendant, en cette fin d’après-midi, je flâne le long de cet immense lac, les mains dans les poches (stupidité quand tu nous tiens) et je regarde… Des talèves sultanes sortent d’un ilot de jacinthes d’eau et… s’accouplent à moins de 5-6 mètres de moi avant de disparaître. Mais qu’ai-je donc fait à Bouddha pour voir si rapidement des scènes de la vie sauvage mais sans penser à prendre le moindre appareil photo avec moi?!

Retour immédiat dans la chambre, je prends 1 pied, 2 appareils et 2 grosses optiques (300mm/2.8 et 600mm/4) quelques cartes mémoires et je recommence mon métier de sherpa. Hélas, les années n’arrangent rien et le matériel, quoiqu’en disent certains, devient de plus en plus lourd avec… l’âge. De plus la chaleur n’arrange rien (j’y reviendrai plus loin).

Bien m’en pris car dans les 90 minutes qui suivirent j’engrangerai tour à tour des talèves, des crabiers chinois en plumage d’hiver et du héron pourpré.

Que du bonheur, cet endroit commence vraiment à me faire rêver. J’y retrouve de nombreuses analogies avec ma chère Camargue où j’ai passé des heures, des jours, des mois, des années avec pour résultat, 4 livres sur ce royaume dont les moustiques règnent en maître!

Si les mammifères comme la loutre, le chat pêcheur, les écureuils s’y font très discrets, à part le buffle d’eau qui, s’il reste méfiant, a difficile a dissimuler sa grande taille, c’est par contre le royaume des oiseaux avec près de 200 espèces recensées. Tout cela sous les yeux brillants des sultanes de ces lieux.

Un régal pour un passionné comme moi. Les années glissent sur et sous mon épiderme, mais mon amour de la Nature reste intact.

Depuis je me suis bien rattrapé et y reviens tous les mois pendant 3-4 jours, toujours avec autant de plaisir mais en devenant de plus en plus difficile à la prise de vue ainsi qu’au choix des espèces... Me faisant parfois « larguer » vers 6h du matin dans des endroits inaccessibles à pied et seul. Le longue-queue venant rechercher le « colis » mal en point vers 18-19h.

Ici, en effet, un seul véritable ennemi.

Ce ne sont pas les moustiques, quoique le matin tôt et le soir…, ni les sangsues, ni les serpents mais bien la déshydratation qui guette le moindre faux-pas, car de l’eau on en perd vraiment beaucoup.

Un comble sur un lac !

Mais ici, la chaleur est lourde, forte et humide. L’eau en bouteille, prise avec moi, qui pèse bien lourd avec les appareils, optiques et pied, affut, atteint rapidement les… 50°. Dégueu à avaler, je le confirme mais faisant un bien fou. La nourriture, j’oublie, je vois le soir après la douche! De toute façon j’ai quelques kilos à perdre… Sous affut, c’est un hammam intenable dans les 3 minutes et on baigne véritablement dans sa sueur. De plus avez-vous déjà tenté de photographier avec la sueur dans les yeux : c’est salé, un peu acide cela pique et fait pleurer donc, souvent, je préfère m’asseoir au soleil avec un chapeau à larges bords coiffant la tête. La moindre brise se ressent immédiatement. C’est tout aussi désagréable que l’affut sous toile mais plus supportable pendant 12 heures d’affilée. Il faut juste penser à changer régulièrement de t-shirt dans la journée…

Mais que suis-je venu faire ici, moi qui adore le froid et la neige ? La Thaïlande sous ces latitudes n’a que trois saisons : chaude, très chaude et chaude avec de la pluie… Avis aux candidats qui ne sont pas originaires de ces régions.

J’ai de la chance, dès ma première venue : les nénuphars roses sont en fleur. Magnifique. Appelés improprement « pink lotus » ce sont en fait des nénuphars indiens. Les lotus fleurissent bien haut, au-dessus de l’eau, le fruit contenant les graines ressemble à une pomme d’arrosoir et les feuilles ne sont pas les mêmes. Hélas, non content que peu de gens s’y intéressent vraiment, à part pour les « jolies » couleurs, il y a le problème des traductions entre l’anglais et le français, comme les « penguins » qui sont des manchots et non pas des pingouins et qui vivent sous des latitudes différentes ! Vive le franglais.

Pour en revenir aux « pink water lilies », c’est un habitat recherché par les sultanes (pour faire ressortir leur couleurs naturelles, m’ont-elles dit), mais aussi par de nombreux autres oiseaux : aigrettes diverses, hérons, etc. Leurs fleurs commencent à s’ouvrir vers les 3 heures du matin, lorsqu’un « peu » de fraîcheur arrive puis se referment dès les 10h lorsque la chaleur se fait trop importante.

Effectivement, coincé parfois de longs moments au milieu de ce rose éclatant, j’ai pu photographier ces oiseaux, aux magnifiques nuances de bleu du plumage et de rouge des yeux, du bec, de la plaque frontale et des pattes, vaquant à leurs occupations dont la première est… essentiellement de se nourrir (comme les Thaïs… ?).

Presqu’exclusivement végétarienne, la talève se nourrit de racines, fleurs, feuilles et de tiges qu’elle saisit de ses longs doigts fins terminés par des ongles ou griffes aussi effilés que longs.. En la contemplant, je me rends compte de la dextérité de ses pattes.

En Europe on dit qu’elle est plutôt droitière, étrange, ici j’en ai vu beaucoup de gauchères. Il faut dire qu’on roule aussi à gauche en Thaïlande (ou au milieu de la route ou… à contre-sens!). Le fort bec viendra à bout de nombreux végétaux, toutefois, elle ne dédaignera pas les escargots, les crustacés, les œufs ou oisillons trouvés mort.

Oiseau sédentaire, elle ne vole jamais longtemps, même si elle sait et peut le faire. Avec ses longues pattes qui pendent, manquant d’élégance, elle n’aime pas les migrations, se déplaçant plutôt lors des changements de niveaux d’eau de son habitat. Et ici, en période de pluie, il y a des montées des eaux parfois très importantes. En fait, seuls les juvéniles en quête d’un nouveau territoire vont voler beaucoup plus loin.

Les oisillons quittent le nid après 4-5 jours. Couverts d’un duvet gris, on ne les repère pas facilement. Avec leurs longs doigts, emmanchés sur de longues pattes, ils suivent rapidement leurs parents en marchant sur les végétaux, jacinthes d’eau ou nénuphars. Par la suite les premières plumes viendront nuancer délicatement les ailes et les couleurs du bec apparaîtront aussi. Ainsi va la vie des sultanes.

Il existe plus d’une douzaine de sous-espèces de Porphyrio porphyrio. Toutes restent des talèves sultanes mais la couleur ou la taille diffèrent un peu ainsi que les lieux géographiques d’habitat.

Tale Noi est un immense lac d’eau douce donnant sur la mer. Il est assez amusant de voir parfois les buffles d’eau partir nager en mer… L’eau ne devient saumâtre qu’en cas de très forts vents du sud ou de l’est qui poussent de l’eau salée dans le lac.

Contrairement aux foulques et gallinules qui ne supportent pas leurs congénères en période de reproduction, j’ai constaté que ce nombreux couplent cohabitent plus ou moins pacifiquement même lorsque les oisillons naissent.
… un mouvement furtif sur la rive à ma gauche me fait tourner la tête… Un chat pêcheur ! Il disparaît bien trop rapidement. Mais j’ai pris rendez-vous avec lui le mois prochain. Affaire à suivre.

J’ai découvert que la Thaïlande possède une faune incroyable, mais la pression des braconniers en tous genres est énorme aussi. Que ce soient les éléphants (protégés par la loi), les mammifères, les oiseaux, les magnifiques grands arbres, tout y passe pour certaines personnes peu scrupuleuses pour ne rien dire de plus !

Une petite anecdote pour dire qu’il y a aussi des protecteurs ici : un de mes amis thaïs qui photographie et protège les aigles de mer (pygargue blagre) suivait l’évolution d’une nichée à 100m d’une route importante et de nombreuses maisons. Il a découvert que les habitants voulaient tuer les aigles pour… les manger (ahh, ces Asiatiques qui ne pensent qu’à leur ventre). Qu’a-t-il fait… ? La chose la plus intelligente du monde : il a été acheter quelques poulets et les a donné en « échange » de la vie des pygargues. Troc bien accepté, car maintenant cela fait 3 ans que toutes les nichées arrivent à terme sans problème.

Finalement, bien souvent, tout est question de lucidité car la compréhension de l’environnement n’est pas la même pour tous et ce dans... tous les pays du monde.

Maintenant, tel Maître Yoda ou Obi One Kenobi (comme dirait Franck Renard), j’amène un jeune padawan avec moi dans les prises de vues ne dépassant pas 2h… Et, j’ai un plaisir double !


Petit encarté :

Ce qui est nécessaire à emporter avec soi :
2 boîtiers si possible (pour ne pas avoir à changer les optiques régulièrement !)
300 mm (avec multiplicateur le cas échéant), 500 ou 600mm (si on possède…) ainsi qu’un grand angle ou zoom 24-70mm pour les paysages
Cartes mémoires, bien évidemment
De l’eau, encore de l’eau et toujours de l’eau ! Attention au poids cependant… La nourriture emportée le cas échéant souffrira plus que vous de la chaleur, c’est un choix mais faites vraiment attention. Oubliez bonbons et autres, ils fondent, reste… les fruits.
Un chapeau si possible à large bord avec un couvre-nuque (à défaut minimum un bob !)
Un affut pas n’est vraiment obligatoire mais un filet est bien utile. Décathlon réalisait, en son temps, un ensemble pantalon plus veste en filet camouflé qui, à 10m étaient excellents, légers et plus qu’aérés..
Un bon pied… léger (en carbone ?) mais avec une bonne rotule.
Des « godasses » qui peuvent aller dans l’eau et sécher rapidement sans craquer par la suite.
Lotion solaire et… anti-moustique (cette dernière surtout le soir vers les 17h)
Être capable de se prendre en charge pendant 12h d’affilée si on se blesse (coupure dans un milieu très humide et chaud !)
T-shirts de rechange et… lunettes solaires !
Finalement, n’oubliez pas que le poids vous empêchera aussi d’aller partout et on s’enfonce très vite ici même si ce n’est pas profond.

Texte et photos : Henry Ausloos

Infos sur Henry Ausloos

Site internet officiel : www.henryausloos.com 

 

 

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